BienheureuseDina
Bélanger(1897 -
1929)
Cœur Agonisant et Cœur Eucharistique de Jésus
|
Sa
vie
Remarque: C’est pour
répondre à une demande expresse de sa supérieure que Sœur Marie Sainte Cécile de
Rome,(Dina Bélanger) commença, dès mars 1924, à écrire son
Autobiographie.
1 - L’enfance et la
jeunesse
Dina naît à Québec, au
Canada, le 30 avril 1897, dans une famille aisée, mais très pieuse. Pianiste, elle
devient une véritable virtuose et donne de nombreux concerts. Le 11 août 1921
elle entre chez les Religieuses de Jésus-Marie, à Sillery, et prend le nom de
Sœur Marie Sainte Cécile de Rome. Atteinte de tuberculose pulmonaire elle meurt
le 4 septembre 1929 à l’âge de 33 ans. Elle fut béatifiée par le pape Jean-Paul
II le 20 mars 1993.
C’est à partir de l’âge de
10-11 ans, que la piété de Dina s’affirma ainsi que son amour pour
Jésus-Eucharistie: “Une fois, Jésus, dans son ostensoir d’or captiva tout mon
être; je le regardais fixement, sans bouger; je lui disais intérieurement:
Jésus, je sais que c’est vous qui êtes là, dans l’hostie. Ô montrez-vous donc
aux yeux de mon corps; je désire tant vous voir! Je le contemplai très
longtemps. Le désir de le voir m’enflammait; le doux Prisonnier répondit à ma
naïve supplique par une grande augmentation de foi en sa présence réelle au
Saint Sacrement. Ce fut une grâce de choix.”
Vers l’âge de 17 ans, Dina
se livra à l’amour divin en qualité de victime. Les études musicales
supérieures, qu’elle continua à New-York pendant deux ans, la fatiguèrent un
peu, et on lui conseilla du repos, c’est-à-dire de ne plus aller à la messe tous
les jours. Heureusement, le prêtre à qui elle s’adressa lui conseilla de ne
jamais manquer le banquet sacré. Elle écrivit à ce sujet: “En réalité les
forces que je puisais durant la sacrifice sacré et dans l’ineffable communion
étaient bien supérieures à celles que m’auraient procurées un repos prolongé.
D’ailleurs, aurais-je pu me reposer loin de Jésus?”
Ses succès artistiques
étaient nombreux à cette époque. Le Seigneur lui fit la grâce de ce que nous
appellerions de nos jours un complexe d’infériorité pour la faire grandir dans
l’humilité: “J’apprenais, dit-elle, à chérir l’humilité comme une
perle inestimable, et je désirais l’acquérir un jour... Combattre quand le
Sauveur manie les armes, c’est une joie. Je revenais souvent à la pensée: je
n’ai de valeur que ce que je vaux devant Dieu. Jésus ne voulait pas que je
jouisse de mes efforts, et il permettait que, par ma manière d’agir, les autres
ne puissent pas supposer ce qui se passait en moi.”
2 - Premières faveurs
divines
À partir de l’âge de vingt
ans, Dina semble s’établir dans une étroite union avec Dieu. Elle bénéficie de
quelques faveurs divines qu’elle ne comprend pas et qui l’effraient un peu. Elle
écrit: “À certains moments, la voix de Jésus se faisait entendre au fond de
mon cœur. Sa lumière présentait aux yeux de mon imagination des tableaux que je
ne connaissais pas. Au sujet de cette voix et de ces tableaux, j’ai prié
beaucoup. J’étais assurée que c’étaient là les enseignements de mon divin
Maître: ce qui parle d’obéissance, d’humiliation, de renoncement ne peut venir
que de lui. La faveur que j’implorais était de ne pas me laisser prendre aux
pièges du démon qui est capable d’inventions si rusées et si habiles, de ne pas
être victime des chimères de mon imagination...”
Un jour le Seigneur lui
enseigna comment reconnaître ses interventions à Lui, et comment faire la
différence entre sa voix divine et celle du démon qui veut jouer les imitations:
“Le Sauveur ne se fait entendre que dans le recueillement, la paix, le
silence. Sa voix est si douce que, en l’âme, tout doit se taire; c’est une
mélodie suave. Le langage satanique est bruyant: c’est l’agitation, la
précipitation, le trouble, la brusquerie.”
Jésus donna deux guides à
Dina: l’Hostie et l’Étoile: “L’Hostie, c’était Lui-même; l’Étoile, c’était sa
Sainte Mère. Il me représenta un chemin d’épines dans lequel il était passé le
premier et où il désirait me voir marcher. D’abord les épines étaient peu
nombreuses; elles se multipliaient à mesure que j’avançais... Et je voyais sans
cesse l’Hostie et l’Étoile, qui figuraient Jésus et Marie, au-dessus de ma
route, un peu en avant de moi...
Cela se produisait dans
mon imagination; le tableau était net et clair. Aux heures où Jésus me le
présentait, je l’apercevais plus fidèlement que je voyais une image matérielle
avec les yeux de mon corps... Mon Seigneur m’apprit que j’avais une mission à
remplir... Il me montra la nécessité et l’importance de m’y préparer... Je
compris que le salut d’un grand nombre d’âmes y était
attaché.
Par une lumière très vive
il m’enseigna la valeur inestimable de la moindre des grâces parce qu’elle est
un don de Dieu. Aucun des bienfaits divins ne peut-être appelé petit, mais notre
langage humain est si pauvre que, lorsque nous avons parlé des faveurs
extraordinaires et frappantes que sont les grandes grâces, il nous reste des
termes moindres pour les grâces journalières qui se multiplient à chaque
seconde. Je vis la multitude des dons que je recevais comme une chaîne
précieuse, composée d’anneaux; une infidélité cassait un anneau et rompait la
chaîne. Et là, Jésus me dit que mon manque de correspondance à une seule grâce
pourrait me faire manquer ma mission.
Je saisis comment le plus
léger refus pouvait me priver d’une immense quantité de grâces; après un premier
manquement, la volonté a moins de résistance... Par contre, la correspondance à
l’inspiration sainte attire un autre secours du ciel... Par ma faute, il m’était
possible de compromettre ma mission... Et toutes ces âmes qui attendaient la
lumière de ma fidélité! Je renouvelai à Jésus ma ferme résolution de répondre à
ses désirs. J’étais confiante en son amour, en sa bonté, et confondue en ma
misère extrême. Mon doux Maître me dit:
— Je veux me servir de toi
parce que tu n’es rien, je veux prouver ma puissance par ta
faiblesse.
Cette dernière phrase, il
me l’a répétée en d’autres circonstances par des mots qui reviennent toujours à
cette idée:
— C’est justement parce que
tu es incapable et faible que je me sers de toi, afin que mon action seule
apparaisse.
Il mit en mon cœur le
désir ardent et sincère du mépris, de l’humiliation, ces biens sans prix que le
monde abhorre parce qu’il ne connaît pas leur valeur cachée... Chaque matin et
chaque soir, je disais la supplique suivante: “Mon Dieu, accordez-moi la grâce
d’être méprisée et humiliée autant que vous pouvez vouloir que je le sois, et
que tous ceux qui me mépriseront et m’humilieront ne soient pas
coupables.”
Je pensais d’abord que
cette prière était celle du renoncement total à la jouissance ici-bas; ce fut
tout le contraire: juste à partir du moment où mon âme ne souhaitait que le
sacrifice, elle fut enivrée de bonheur. C’est ici le secret de l’amour divin. Je
me trouvai dans une sainte indifférence à l’égard de
tout.
Jésus me familiarisait
avec l’idée de la souffrance. Il se servit encore d’un tableau. Sa main tenait
une croix. Une première fois il entra le pied de la croix dans mon cœur. Plus
tard, il l’enfonça davantage. Enfin, il la plaça en entier, avec les deux bras,
en l’entrant profondément; il avait fallu déchirer. Ce dernier acte figurait que
le Sauveur, avec sa croix, régnait en moi. Puis il entoura mon cœur d’une
couronne d’épines, symbole de la sienne.
Il m’initia à la vie
d’union avec lui. Au commencement, il me semblait qu’il était à mes côtés, qu’il
marchait près de moi. Ensuite, je le trouvai en moi. J’aimais à causer
intérieurement avec lui quand je sortais seule sur la rue... Ensuite, il mit sa
volonté à la place de la mienne... L’idéal divin m’apparaissait comme exigeant
de moi que je devienne une très grande sainte. Je n’étais pas capable de désirer
moins.
Jésus commença ainsi à me
brûler de ses flammes d’amour... La réparation envers le Cœur divin outragé, le
zèle du salut des âmes me devenaient deux devoirs impérieux... Je compris, par
une grâce, que je devais consoler Notre Seigneur et prier pour l’amendement des
âmes aveuglées. Matin et soir, régulièrement, je priais pour les prêtres, les
religieux, les religieuses. Les personnes consacrées ont une si lourde
responsabilité. Elles ont la meilleure part; elle reçoivent les grâces de choix
de l’Époux. Puissent les moissonneurs répondre en tout, partout et toujours, aux
vœux du divin Semeur.
À la même époque, Dina est
admise dans le Tiers-ordre de Saint Dominique. Après un an de probation elle fut
admise à la profession et reçut le nom de Sainte Catherine de
Sienne.
Dina put terminer ses études
musicales à New-York. Cette période fut celle des concerts. Elle travaillait
avec acharnement, se demandant quel pouvait être le but de son travail musical.
Jésus lui répondit:
— Tes connaissances
musicales protégeront ta vocation; mais tu feras du bien surtout par tes
écrits... Oui, au couvent, tu te livreras à un travail
littéraire.
3 - La vie
religieuse-Première partie
Le 11 août 1921, Dina
Bélanger entra chez les Religieuses de Jésus-Marie, à Sillery [2]. Elle
portera désormais le nom de Sœur Marie Sainte Cécile de Rome. On lui confia
l’enseignement du piano à quelques élèves. Sa vie intérieure s’approfondit.
Parfois Jésus lui montrait les fleurs de son Jardin et lui expliquait quels
actes de vertu produisaient la croissance des tiges, l’éclosion et
l’épanouissement des fleurs. “Dans un endroit à part, où leur splendeur était
beaucoup plus éclatante et leur parure plus riche, il me dit que celles-là
étaient cultivées par les âmes consacrées. Il me montra celles qu’il attendait
de moi. Puis, un jour, il me fit entrer dans le parterre des âmes privilégiées.
Oh! les pures délices! Au centre était sa croix divine, à la teinte sombre, et
de bois: les amis de Notre Seigneur n’obtiennent ce titre de noblesse qu’à la
condition du renoncement. Les fleurs superbes, à la corolle pleinement ouverte,
autour de la croix, étaient l’offrande du sacrifice parfait, de l’amour pur.
Elles me semblaient le sourire des crucifiés d’amour à l’Amour
crucifié.”
À L’Automne 1922 Dina dut
passer quelques semaines à l’infirmerie. “Ce furent des jours de bienfaits
célestes.” Dina commence à écrire, essentiellement des poésies. Elle
comprend vite que son travail, c’est le travail de Jésus. Elle écrit: “C’est
si bien son travail à lui que souvent je sais à peine ce que j’écris, j’y suis
poussée par une force douce et supérieure et, quand je me relis, j’ai maintes
fois la surprise d’avoir émis des idées sans les avoir
pensées.”
Le Seigneur demande à Dina
de consoler son Cœur outragé dans la Sainte Eucharistie. Un premier vendredi du
mois, le Saint Sacrement étant exposé, durant son adoration, Dina “crut voir
une multitude d’âmes qui couraient à leur perte éternelle. Quelques-unes étaient
sur le bord de l’abîme; elles allaient tomber. Jésus me dit que je pouvais
sauver ces dernières en priant pour elles avec ferveur, en lui offrant de petits
sacrifices, par amour; ce que je fis immédiatement. Alors je vis ces âmes,
vaincues par la grâce divine, abandonner le camp du démon.
La miséricorde de Dieu est
infinie. Dina écrit: “Notre Rédempteur a soif de pardonner et d’oublier. Il
n’attend souvent qu’un geste ou une pensée d’amour de notre part pour accorder à
tel ou tel pécheur la grâce extraordinaire qui l’arrachera des mains de
Satan.
Dina revient à de
nombreuses reprises sur le désir de Jésus: être consolé. “Jésus voulait être
consolé. Il me présenta son Cœur tout meurtri, frappé de tous côtés par une
infinité de lourds marteaux que je voyais s’abattre sur lui avec violence; il me
le montra ensuite victime dans toutes ses parties d’une multitude de lances qui
s’enfonçaient plus ou moins avant et le déchiraient. Chaque coup de marteau ou
de lance était l’outrage causé par un péché. Puis je le vis blessé par un nombre
incalculable d’aiguilles, la plupart étaient petites, même très
petites.
— Ce sont là, dit Jésus,
les indélicatesses des âmes religieuses; oh! qu’elles me font souffrir, ces
aiguilles, parce qu’elles me viennent des âmes que j’aime le
plus.
Dina précise: “C’est
dans l’éternité seulement que nous comprendrons un peu la peine qu’éprouve Notre
Seigneur à cause de nos péchés, de nos négligences, de nos manques d’amour. Et
dire que nous pouvons le consoler!”
Comment comprendre ces
mystères? Jésus s’abaisse jusqu’à nous, suppliant qu’on lui verse quelques
gouttes de baume sur les plaies de son Cœur! “Ô mystère de l’amour d’un Dieu!
Charité infinie du Pasteur envers ses brebis!”
Parfois Jésus demande des
prières parce qu’un grand crime va se commettre, ou en prévision d’outrages.
“Ah! que les plaintes de Jésus sont déchirantes! Comme il souffre le Captif
silencieux de nos tabernacles, emprisonné jour et nuit par l’amour! Ma plus
grande douleur devint alors celle de la souffrance du Cœur Eucharistique...
Comment rester insensible quand c’est Jésus qui est délaissé et
méprisé!”
Le noviciat de Dina se
poursuit. Sa faim de l’Eucharistie croissait toujours. La Sainte Vierge
l’assiste souvent dans son action de grâces: “Durant mon action de grâces,
souvent Marie parlait pour moi; je n’avais qu’à l’écouter, à m’unir à elle, à
contempler mon Sauveur, à l’aimer. Parfois je me voyais comme une petite brebis
dans les bras du Bon Pasteur; je me laissais porter par lui. J’ai ressenti
d’ineffables consolations dans ce tableau.” Le Seigneur éduque toujours
Dina, et Il insiste pour que jamais elle ne néglige ses devoirs d’état. Nous
sommes en 1922. Une nouvelle étape se prépare: “Vers ce temps, Notre-Seigneur
me dit de le laisser agir, et qu’il allait commencer à me préparer à la mort
d’une manière plus immédiate.”
En mai 1924, Dina écrit:
“Mon Jésus, ah! que je t’aime! Je veux vivre et mourir martyre d’amour,
victime d’amour, apôtre d’amour pour vous seul, mon Dieu! Marie, ma bonne Mère,
vous que j’aime tant, accordez-moi d’aimer toujours Jésus et de le faire aimer
avec son Cœur à lui, et avec votre Cœur à vous.”
L’éducation de Dina se
poursuit. Jésus lui demanda d’accepter avec amour et reconnaissance les petites
croix qu’il lui présenterait, de ne pas en désirer d’autres, mais de le laisser
faire. Peu de temps avant sa profession, Jésus lui dit:
— Tu vas faire
profession; et puis, un an plus tard, aussi le 15 août, en la fête de
l’Assomption de ma Mère, je viendrai te chercher par la mort.
L’union de Dina avec Jésus
se fait de plus en plus intime. Dina écrit: “Je me cache à jamais dans ton
Cœur, ô Jésus, j’y établis ma demeure et pour cette vie et pour
l’éternité...
Ô Jésus, je veux vivre
et mourir apôtre d’amour, victime d’amour, martyre d’amour! Pour me satisfaire,
il me faut t’aimer avec ton Cœur divin; je veux aimer Marie, ma bonne Mère,
comme tu l’aimes; je veux aimer les âmes, surtout celles des pécheurs, du même
amour que le tien, à la folie.
Ô Jésus, je veux
souffrir pour me détruire en ton Cœur et te laisser vivre seul en moi; je veux
souffrir pour te consoler; je veux souffrir pour sauver les âmes et pour
diminuer le péché sur la terre; je veux souffrir parce que je t’aime!... Mon
Dieu, je me meurs de ne pas mourir, tellement est intense mon désir d’union
parfaite avec vous...”
Dina exprime l’intensité
de son amour pour Dieu dans ses poésies, et notamment dans la strophe qui
suit:
Ah! tu le sais combien je t’aime!
Ta pensée est mon seul bonheur: Tu m’as ravi mon pauvre cœur... C’est toi, Jésus, beauté suprême Qui captives ma faible ardeur, Rends mon désir d’amour, extrême.[3]
Comme la plupart des
grands mystiques, Dina découvre le lien existant entre l’amour et la souffrance:
“L’amour m’apparaissait comme unissant la souffrance et la joie; je les
voyais naître toutes deux dans le Cœur de Jésus.”
3-1-Jésus se substitue à Dina
Le 13 novembre 1923, Dina
va bénéficier d’une grâce étonnante qui éclairera tout le reste de sa vie, et
qui est comme le prélude à sa mort annoncée pour le 15 août suivant: “Le 13
novembre au matin, dixième jour (de ténèbres intérieures) et fête de
Saint Stanislas Kostka, patron des novices, Notre Seigneur revint avec ses
consolations et chargé de ses miséricordes à mon égard. Il me montra un autel
assez élevé sur lequel s’élevaient de brillantes flammes: c’était l’autel de son
amour. Dans sa main, je vis mon cœur, le mien, celui qu’il m’avait enlevé à la
retraite du postulat; il me le fit regarder, comme pour me donner l’avantage de
me livrer une fois de plus entièrement et librement à lui, puis il le plaça sur
l’autel; le feu l’enveloppa, je le vis brûler jusqu’à la dernière fibre; il n’en
resta rien, absolument rien.
Ensuite, Jésus m’invita
à monter moi-même sur l’autel. Il y avait à gravir cinq degrés en l’honneur des
cinq plaies sacrées. Ce qui se passa en moi ne se définit pas. Je sentis comme
une répulsion, une révolte de ma nature; dans mon âme, je possédais la paix et
le bonheur. Je posai le pied sur la première marche, la deuxième, et, continuant
avec abandon, j’arrivai vite au centre de l’autel. Les flammes écartées de
chaque côté ne me touchaient pas.
Le Bon Maître me
regardant toujours me fit ouvrir les bras en croix; aussitôt, les flammes se
précipitèrent sur moi, avec violence dans leur intensité, mais néanmoins avec
une certaine lenteur dans leur action. Elles consumèrent mon être
entier.
Durant l’incendie
divin, il me semblait que ma nature frémissait, gémissait, et, enfin, elle me
parut morte au moment de la destruction complète. Quand le brasier n’eut plus
d’aliment, le feu s’abaissa et s’éteignit. Au centre, il restait des cendres.
Jésus s’approcha, souffla sur elles et les anéantit. Enfin, il ne restait rien
de moi-même.
Néanmoins, si j’étais
morte selon les desseins du Sauveur, n’étais-je pas encore vivante sur la terre?
Oui, mais alors, Jésus prit ma place. Il se substitua à mon être. Il venait de
me faire disparaître, le champ était libre. Il pouvait agir lui-même en liberté.
Il me démontra que mes apparences extérieures n’étaient plus qu’un manteau dont
il était obligé de se servir, un manteau qui le dérobait aux regards humains et
lui permettait de continuer sa vie ici-bas. Puis il
ajouta:
— Afin de te prouver que
ce tableau n’est pas un effet de ton imagination et que cette action
d’anéantissement de ton être vient en vérité de moi, Jésus, ton Dieu, je te
donne un signe extérieur.
À ce moment même Dina se
mit à sangloter. Jésus lui dit:
— C’est moi, qui te fais
pleurer; voilà le signe que je t’accorde.”
Les larmes de Dina
coulèrent pendant longtemps, mais, curieusement, elle n’eut pas les yeux
rougis... Après cette faveur insigne de la substitution de Jésus en elle,
souvent la voix de Jésus lui disait:
— Laisse-moi
faire.
Et souvent aussi Jésus
répétait sa soif des âmes:
— J’ai soif des âmes!
J’ai soif d’amour! Je mendie les cœurs... On ne m’écoute pas, on me repousse, on
m’insulte et on me frappe!... Oh! que j’ai soif et que je
souffre!...
Et
encore:
— Aujourd’hui, je veux
ramener beaucoup de brebis égarées; je vais les chercher; toi, pour leur obtenir
la grâce du retour, laisse-moi faire en tout.
Dina ajoute: “Le divin
mendiant me pénétra de la vérité que les hommes sur la terre sont solidaires les
uns des autres, dans la vie spirituelle comme dans la vie
sociale.”
3-2-Et Jésus fit parler son Cœur Eucharistique
— Je veux parler, dans un
écrit, de l’amour excessif dont mon Cœur est embrasé pour les âmes; je veux me
plaindre d’être oublié, refusé; je veux demander de l’amour comme un pauvre
supplie pour obtenir un morceau de pain. Ah! Je les aime tant, les âmes, et si
souvent, je ne suis pas compris et pas aimé! Non, l’Amour n’est pas
aimé!
Ainsi, à partir de cette
époque, Dina ne devait s’occuper de rien d’autre que de se laisser faire, et de
laisser faire Marie, la Mère bénie. “Mes fautes et mes misères sont grandes
et incalculables, mais Ma Mère est là pour me recouvrir de son manteau parfait
et me donner Jésus avec ses trésors infinis.”
Les jours passent... Dina
les compte car Jésus lui a dit qu’elle mourrait le 15 aoüt 1924. Elle est
souvent malade et fréquente l’infirmerie de plus en plus. Du 6 au 15 août, Dina
commence une grande retraite avec la communauté, mais à l’infirmerie. Le grand
jour approche... Grande déception! Le 15 août passe. Dina est toujours vivante.
S’était-elle trompée? Dina ne comprenait plus rien. Elle fit un acte d’abandon
plus parfait et un acte d’amour plus pur, et... elle recommença une vie toute
nouvelle.
Dina avait compris qu’elle
était bien morte à sa vie ancienne, et qu’elle venait de naître à une vie de
véritable perfection.
4 - La vie
religieuse-Deuxième partie
Désormais Dina ne veut que ce
que Jésus veut: “Rien de plus, mais rien de moins.” Son Éternité est déjà
commencée, elle vit dans le Cœur de Dieu, perdue, anéantie en lui, abandonnée
totalement à l’action de la Trinité Sainte en son être. Mais les mots de la
terre ne peuvent plus exprimer ses pensées et ses sentiments: “Pour parler
justement de la vie du ciel, il faudrait le langage du ciel...” Et ses
lectures sont toutes contenues dans le grand livre du Cœur de Jésus. Elle y
savoure “les délicieux chapîtres de l’abandon” et du silence:”Le
silence! Quelle fontaine d’allégresse!”
Le 3 octobre 1924 Dina prononce
le vœu du plus parfait. À partir du 2 septembre 1926, elle participe, tous les
jeudis et vendredis, au calice de la Passion de Jésus.
Les stigmates
invisibles
Dina est de plus en plus
associée à l’Agonie de Jésus. Ce jour-là, Samedi 22 janvier 1927, le
Saint-Sacrement était exposé et Dina méditait: ”J’éprouvais déjà la présence
de mon divin Maître, mais il y avait quelque chose de plus que dans l’union
ordinaire, pourtant si intime du jeudi au vendredi. En effet, Notre Seigneur
m’accorda une grande faveur: les stigmates d’amour de ses plaies sacrées. De son
Cœur divin, des flammes rayonnaient sur les mains, les pieds et le cœur de mon
être anéanti dans le sien. La très sainte Vierge posa ces flammes sur mes
membres et Jésus y imprima les stigmates d’amour de ses plaies sacrées... Depuis
mes membres sont comme consacrés par une impression
divine.”
Dina venait de recevoir
les stigmates invisibles. Depuis ce jour, Jésus appelle Dina: sa petite
“Moi-même”, et lui demande l’oubli absolu d’elle-même et de tout ce qui la
concerne. Sa vie spirituelle s’approfondit de plus en plus et son union à Dieu
est quasi permanente.
Le 30 avril 1929, elle
entre définitivement à l’infirmerie plus ne plus en sortir. À partir de juillet
1929 elle n’a même plus la force d’écrire. On ne sait d’elle que ce que ses
sœurs ont rapporté, mais il semble que, malgré ses souffrances, elle ait su
conserver une joie inaltérable.
Le mercredi matin 4
septembre elle se sentit soudain plus faible. Elle conserva sa connaissance
jusqu’à la fin, son regard fixé sur l’image du Cœur Eucharistique. Elle mourut
vers trois heures de l’après-midi.
[1] L’Autobiographie de Dina Bélanger est éditée par Les
Religieuses de Jésus-Marie, au Canada.
[2]La
Congrégation des Religieuses de Jésus-Marie a été fondée à Lyon en 1818. Son
but: l’éducation de la jeunesse. La Maison-mère est à Lyon, et la Maison
générale est à Rome.
[3] On ne
peut manquer de remarquer la similitude de pensée et d’expression entre Dina et
Thérèse de Lisieux.
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